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Rudolf Jurolek: Básne

Poèmes (Fr)

 

Rudolf Jurolek

Poèmes

 

Je ne dis pas que je vous aime.

L’amour est un trop lourd fardeau.

Seuls les bêtes et les Saints le supportent.

Que puis-je vous dire? Que je suis

faible, que le rapide coup d’œil

d’un cheval fatigué ou d’une vache

menée à l’abattoir me défait?

Non, je suis incapable d’aimer. Tout

ce que je ressens est douleur.

De plus je ne veux pas que n’importe qui m’aime.

 

 

 

 

Les cloches sonnent midi.

Je suis allongé sur un banc dans un parc boisé.

Je regarde le ciel au travers du vert brillant des arbres.

 

L’évolution m’a oublié:

Il reste encore en moi des pans très nets du paradis.

 

 

 

 

Je ne veux plus en voir davantage.

Pourquoi ne sais-je vivre comme une bête sauvage,

qui sait elle exactement ce qu’il lui faut

pour demeurer libre?

 

Qu’ai-je besoin de savoir?

Que j’aime quelqu’un.

Où jaillit l’eau.

Quoi faire quand il pleut.

Quand arrive l’hiver.

Où j’ai ma maison.

 

 

 

 

Quand le seul résultat

est le chemin parcouru,

la fatigue dans les jambes,

le vent ou l’intranquillité des terres,

le ciel au- dessus : un autre monde.

La vie est possible.

 

 

 

 

Longue, silencieuse

promenade par les champs.

 

Coucher du soleil.

 

Rien de grand, rien de funeste,

Rien qu’une trace du monde:

 

désir d’un jardin céleste.

 

 

 

 

«Ceci est le summum de la vie»,

dit une certaine portugaise Sophia,

regarde au loin, ne peut trouver, le chemin vers le paradis.

 

Quand je pense à cela, le soleil brille,

les fraises des bois sont incroyablement savoureuses

la brise avec délice rafraîchit

à l’ombre des arbres anciens.

 

Nous dissipons parfois le paradis pour un rien du réel,

pour un proton de lumière manquant.

 

 

 

 

Le vent emporte par-dessus les champs les chatons blancs des saules en fleurs.

Ils tombent n’importe où, s’égarent alors qu’ils sont porteurs

de toute la beauté du monde.

 

Combien de rêves naissent pour rien

car la réalité du monde ne coïncide pas avec eux.

 

Mais les rêves reviennent infatigables,

inventifs, changeant de formes, récurrents,

en de nouveaux nouveaux essais d’éternité.

 

 

 

 

Le paysage d’automne me rappelle douloureusement l’amour.

Conscient de toi le monde est insupportable.

 

Baies mûres et épines: formes et couleurs,

dans lesquelles réside l’essence la plus pure de l’année.

 

Ici était le paradis. Ici s’est déclarée la vie.

Ici j’étais avec toi.

Passer encore par ce champ d’automne

Se souvenir d’elle devant le ciel.

 

 

 

 

Que trouver, quelle beauté encore,

Quelle joie?

Tout a déjà eu lieu.

 

Pourtant j’avance,

à la rencontre du passé:

 

la neige, toujours blanche,

l’ombre de l’arbre, toujours aimable,

mon souffle, toujours chaud:

 

le passé, toujours averti

du présent.

 

 

 

 

Je suis toujours capable encore de voir la beauté:

un groupe d’arbres au milieu d’un champ d’hiver

désertique, un corbeau solitaire sur la neige.

 

Mais il n’y a plus de félicité.

Plutôt le tourment d’une étrange tristesse:

de cela je suis,

est le monde.

 

 

 

Chant bucolique

 

Le monde n’a jamais de cesse : derrière la vitre volent les flocons de neige,

suspendue dans le jardin une étoffe au mauve délavé danse au vent,

les branches des sapins se balancent, de temps à autre la neige tombe.

Mais c’est dehors, dedans il fait vide.

 

Le chemin longe la rivière au milieu de buissons nus, fraîchement enneigés.

Soudain je sens, de ces pas dans la blancheur élastique de la neige,

de chacune de ces toutes fines baguettes de coudriers blanchies

de chacune de ces branches de sapins que parfois frôlent mes épaules,

de cette douce pénombre boisée, je ressens soudain comme du plaisir.

 

Traduction: Marie-Christine Huber